Gérer les conflits entre 2 collaborateurs
Comment éviter qu’une situation dérape jusqu’au conflit ?
Comment le désamorcer pour que tout le monde ressorte grandi ?
Quels points de vigilance pendant cette médiation ?
Les points de vigilance en amont :
- Présence terrain.
- Ecouter le non verbal, les pics, les dissonances « globalement ça va », « à part 2 ou 3 trucs, oui, je suis bien dans l’équipe » lors des échanges informels.
- Intervenir dès les premiers signes de tension
- Ne pas croire que ça va s’arranger tout seul.
Méthode théorique de gestion de conflit en 4 grandes étapes :
1 : préparation avant entretien :
- Lister les signes de tension.
- Lister les conséquences sur l’équipe, l’entreprise, les clients.
- Se demander « dans quelle mesure suis-je responsable de cette situation ? »
2 : recevoir chaque personne individuellement :
- Faire un constat des tensions observées (j’ai souhaité te voir, car j’ai constaté que… avec pour conséquence…).
- Creuser en écoute active pour avoir des éléments sur la situation (j’aimerai savoir ce qui se passe, et je ferai pareil avec ton collègue…).
- Remercier le collaborateur pour sa franchise et transparence, et lui signifier qu’on va se voir en entretien rapidement en entretien triangulaire (manager + les 2 collaborateurs en conflit).
3 : recevoir les 2 collab en entretien triangulaire :
- Rappeler l’objet de l’entretien (comme je vous l’ai dit en entretien individuel, je voulais vous voir tous les 2, car j’ai constaté des tensions… qui ont pour conséquences…).
- Fixer les règles de l’entretien : « durant cet entretien, vous m’écoutez, vous pourrez vous exprimer mais uniquement quand je vous donne la parole, et vous vous adressez uniquement à moi, est-ce clair ? »
- Reformuler la version de chaque collaborateur sur l’origine du conflit : « donc, d’après X, les tensions viennent de …. Alors que Y indique que… ».
- Laisser possibilité à chacun de compléter la version : « X, est-ce que c’est bien ce que tu m’as dit ? Y, est-ce que tu veux compléter ce que je viens de dire ? »
- Définir les règles de fonctionnement pour régler le conflit
- si lié au travail : rappel du rôle de chacun.
- si lié à un problème d’organisation : expliquer une nouvelle règle de fonctionnement que vous avez décidé seul
- si lié à un problème d’affinité : donner une nouvelle règle du jeu : « je ne vous demande pas d’avoir des affinités, mais vous devez vous respecter. En cas de difficultés, vous m’en parler »
- Faire valider les solutions par chaque collaborateur : « X, est-ce ok pour toi ? Y, est-ce qu’on est d’accord sur ces règles ? »
- Conclure l’entretien : « ok, merci à vous 2, je vous laisse reprendre le travail ».
4 : Surveillance :
- Observer dans les jours qui suivent.
- recadrer à la moindre dérive des nouvelles règles.
- revoir chacun individuellement au bout d’ un mois.
Les points de vigilance pendant ces entretiens :
- Eviter les jugements de valeurs
- Ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre
- Garder son calme
- Le ton doit être directif mais posé
- Gérer les interventions de l’un et l’autre.
Voici quelques exemples vécus en base de réflexion :
Exemple 1 :
Nicolas : 45 ans, très speed, bosseur, tendance à s’éparpiller.
Roger : proche de la retraite, efficace, taiseux, pas hyper rapide, mais ne fait pas d’erreur.
Les 2 travaillent ensemble en gestion de stock, et ne comprennent pas la manière de travailler de l’autre.
Conflit qui monte sur plusieurs semaines, multiplication de petits pics, voire de « mini sabotage » du travail de l’autre (ex : je planque les feuilles de mon collègue, et il passe un quart d’heure à la chercher, l’un se plaint que l’autre ne dit même pas bonjour ou merci).
Bref, sur une base de grande différence de personnalité, on arrive à des gamineries qui pénalisent le travail et la motivation.
J’interviens en appliquant la méthode en 4 étapes :
entretien individuel avec chaque personne pour entendre leur version du conflit, puis entretien triangulaire, où je parle pour l’essentiel en leur redéfinissant les règles de fonctionnement : « je ne vous demande pas d’être pote mais vous vous devez le respect et la politesse ».
« On est entre adulte, est-ce que je peux compter sur vous pour travailler en bonne intelligence : respect de l’autre, respect des règles du service ? »
Après coup : très bonne collaboration, conflit résorbé, travail constructif dans la durée.
Exemple 2 :
Laure : chef d’équipe conditionnement d’une équipe de 10 personnes.
Dans son équipe : Vicky, opératrice, embauché il y a quelques mois. Conflit difficile à déceler : devant moi, tout se passe formidablement bien. L’ambiance est chaleureuse et studieuse en atelier.
Premiers signes pendant les entretiens annuels de progrès. « Laure nous parle comme des chiens », « Vicky pourrie l’ambiance, elle monte les filles contre moi ».
Donc, j’ai creusé pendant ces entretiens individuels, afin de leur faire rechercher les causes racines. On a identifié ensemble des pistes d’améliorations.
Je me suis ensuite entretenu avec Laure, pour lui expliquer les tensions constatées.
On a défini ensemble ce qu’il fallait corriger pour améliorer la situation. « Laure, est-ce que tu souhaites que je vous voie toutes les 2 pour désamorcer le conflit, ou tu te sens capable de la gérer seule en face à face avec Vicky ? »
Elle se sentait capable, je l’ai laissé faire. L’apaisement a duré.
Pourquoi ne pas intervenir moi-même ? Pour garder la légitimité de la chef d’équipe et ne pas la décrédibiliser. Comment vérifier que ça a fonctionné ? Après leur mise en point ensemble : j’ai revu chacun en atelier pour qu’elle me reformule ce qu’elles s’étaient dit. Ca a fonctionné en étant uniquement médiateur à distance, mais c’est un choix risqué.
Exemple 3 :
Damien : chef d’atelier assemblage. Caractère fort, bosseur, soif de reconnaissance dans sa personnalité.
Edmond : magasinier, 30 ans d’ancienneté, très bosseur, un caractère de « cochon », grosse difficulté à travailler en équipe.
Conflit facile à voir, car pleins de signes au quotidien : Edmond est limite en termes de respect des personnes (politesse), et Damien ne se laisse pas faire.
Pour autant, ils ont besoin de travailler ensemble.
Situation déjà compliquée avant mon arrivée dans l’entreprise que je n’ai pas stabilisé dès le début.
J’interviens au bout de 6 mois après un gros clash. J’ai vu les 2 individuellement, puis médiation.
Résultats mitigés, ça n’a pas fonctionné dans le temps.
Ce que j’aurai dû faire :
– Agir dès que j’ai vu les premiers signes (même si ça faisait des années que ça durait, moi, j’aurai du corriger en arrivant)
– Recadrer plus fermement Edmond, car dans son comportement individuel il flirtait souvent avec les limites du cadre. Creuser avec lui son comportement, le changer de poste, ou ces qualités prendrai le dessus sur ces points de progrès, ou carrément s’en séparer.